“C'est sur notre savoir professionnel que les gens nous accordent leur confiance”
Deux générations au sein d'une même entreprise, quoi de mieux pour comparer hier et aujourd'hui ! Les choses ont-elles beaucoup changé ?
Jean-Claude : “Oui et non. Autrefois, on pouvait se lancer avec beaucoup moins de matériel. Aujourd'hui, le parc de machines nécessite un sérieux investissement immédiat, car tout doit aller beaucoup plus vite. Les clients sont d'ailleurs plus impatients, ils veulent voir du résultat plus rapidement. Nous rassemblons suffisamment de matériel photo, à chaque étape, pour éviter des discussions par la suite. Et j'enfoncerai une porte ouverte en soulignant que le point de friction dans notre secteur – comme dans d'autres sans aucun doute – est la difficulté de trouver du personnel formé. C'était plus facile lorsque j'ai commencé. Ce qui n'a pas changé en revanche, c'est que les espaces verts sont toujours importants. Et que le kitsch y a toujours existé : parfois on attache trop peu d'importance au projet. Un jardin doit être cohérent, tant visuellement que techniquement. Nous voyons encore souvent des piscines dans lesquelles la pompe, qui fonctionne sur le réseau électrique, est immergée dans l'eau ! Cela, je ne le comprends pas. Ce n'est pas parce que c'est encore autorisé en Belgique que c'est intelligent !”
Jeroen : “La demande d'autorisation pour le jardin nécessite beaucoup plus de temps aujourd'hui. Il faut d'ailleurs faire des demandes pour tout, ce qui fait monter les prix. Le climat a changé, ce facteur a aussi son impact. Le gazon est presque devenu un produit de luxe. Nous nous sommes adaptés, et nous scarifions désormais au printemps. Nous avons remarqué que c'est tout aussi efficace, moyennant un bon apport d'engrais. Pour un bon résultat, nous conseillons à notre client d'être patient afin que le sol ait le temps de s'installer. Parfois cela fonctionne, parfois non. En raison du réchauffement climatique, la présence d'arbres et de pièces d'eau devient de plus en plus importante. Même si la responsabilité à ce sujet incombe autant au client qu'à l'entrepreneur, ceux-ci doivent réfléchir à la question. La ville ou la commune n'imposent d'ailleurs rien. Ce qui n'est pas nécessaire à nos yeux, car c'est une question de simple bon sens. Comme de planter le bon arbre au bon endroit. Ce qui n'a pas changé en revanche, c'est notre façon de travailler. Nous utilisons uniquement des matériaux de qualité, nous prenons notre temps pour le client, nous sommes ponctuels et précis, nous réalisons presque exclusivement des projets totaux, et nous laissons toujours un chantier propre. Ce dernier point est souvent sous-estimé, mais il nous a déjà rapporté beaucoup de clients.”
A quoi ressemble le client idéal ?
Jeroen : “Le contact personnel avec le client est essentiel pour nous. Il faut avant tout qu'il y ait un déclic, et le client idéal est prêt à apprendre de nouvelles choses sur la façon dont les choses se passent dans un jardin. Dans ce cas, vous pouvez commencer à construire une relation. Car vous avez un trajet long et intense à parcourir ensemble ! Tout commence avant même le début des travaux. Avant d'avoir en tête un projet définitif, nous nous sommes déjà rendus plusieurs fois sur place. Le client idéal sait à quel point son cadre de vie est important pour son propre bien-être et celui de ses proches, et il sait que la réalisation d'un jardin de qualité demandera du temps et un investissement.”
La présence d'une pièce d'eau est indispensable dans un jardin aujourd'hui. Il peut s'agir d'un oued, mais aussi d'une piscine ou d'un bassin de natation. Avez-vous une préférence ?
Jeroen : “Les deux ont une place et sont utiles. En ce qui concerne les piscines, nous avons évolué de l'eau chlorée vers les bassins naturels, dans lesquels il n'y a plus que 0,03 ppm de chlore. A comparer à l'eau du robinet, et c'est beaucoup plus sain pour le client. Notre préférence va vers les bassins de natation, à l'aspect tellement plus naturel. Mais pour nous, il peut aussi s'agir d'un simple étang. Nous avons fait toute notre carrière avec l'eau et les plantes. L'eau, on ne la voit pas seulement, on la touche. Et pour y parvenir, il faut savoir comment cela fonctionne. Souvent, les gens n'ont pas une connaissance poussée des plantes aquatiques. Tout le monde parle toujours de systèmes de filtration, mais vous pouvez obtenir beaucoup en choisissant les plantes aquatiques adéquates. Aujourd'hui, on voit presque toujours les mêmes, comme les iris, car ils s'opposent au développement des algues. Mais on peut aller beaucoup plus loin en recourant aux bonnes plantes.”
Racontez !
Jeroen : “Certaines plantes témoignent de l'état du bassin. Elles nous parlent de l'alcalinité et du pH à travers leur croissance, leur couleur, leur floraison. Le bon mélange de plantes aquatiques vous permet de garder un bassin propre et clair, même lorsqu'il s'agit d'eau stagnante et non filtrée. Notre façon de travailler consiste à mettre en place une abondance de plantes dès le début. Il s'agit souvent de plantes oxygénantes, qui remplacent pratiquement le jet d'une fontaine. Nous laissons donc délibérément le bassin exploser de plantations. Ensuite, nous commençons la taille et nous retirons certaines plantes pour créer des axes visuels. Ceci n'a aucun impact sur la pureté de l'eau, qui n'est pas le résultat de ce que vous voyez au-dessus de la surface, mais uniquement due à l'extension des racines de ces plantes, sous l'eau.”
Il faut donc, en premier lieu, donner à ces plantes une chance de se développer ?
Jean-Claude : “En effet. Ensuite, vous pouvez en retirer sans problème, sans rompre l'équilibre. Vous avez moins de travail ainsi, et un coût de revient moins élevé que lorsque vous ne prévoyez que quelques plantes et que vous avez besoin de litres de produits à verser dedans. Les plantes oxygénantes que nous utilisons souvent sont l'élodée, le cornifle nageant et, dans l'eau stagnante, le potamot, le stratiotes (aloès d'eau) et la renoncule flottante. Avec ce mélange de cinq plantes, vous obtenez l'effet recherché durant pratiquement toute l'année. Lors d'un printemps frisquet – de 5 à 10° – il y aura certes une formation d'algues mais, dès que la température de l'eau dépassera les 10°, les plantes oxygénantes feront leur travail. Ce sont elles qui constituent la base du bassin, ensuite vous pouvez travailler avec des plantes de berges à floraison, comme la pontédérie, les iris, la primévère sauvage, le jonc fleuri,…”
D'où vous vient cette passion pour les plantes aquatiques ?
Jean-Claude : “Elles m'ont toujours passionné. J'ai commencé à expérimenter chez nous. Je me documentais, je faisais des recherches et je testais. J'ai aujourd'hui 30 ans d'expérience et j'en apprends encore tous les jours. Chaque bassin, de natation ou non, est différent. Non seulement en fonction des plantes utilisées, mais aussi en raison de sa position, son emplacement, du sol, de la qualité de l'eau. C'est un monde merveilleux et qui semble sans fin. Et c'est aussi ce qui le rend fascinant. Nous faisons encore des recherches et nous suivons des formations. Car le savoir professionnel est si important, c'est lui qui fait que les gens vous accordent leur confiance. Ainsi que l'expérience, mais c'est valable pour tous les métiers.”
Jeroen : “Je me rappelle, lorsque je venais de finir mes études et que j'ai commencé dans l'affaire, que les gens m'ignoraient totalement sur les salons. Ils allaient directement voir papa. Ils n'attendent pas d'un jeune loustic qu'il soit au courant de tout. Et ils ont raison quelque part. Aujourd'hui, les jeunes finissent à peine leurs études et lancent leur propre affaire, souvent motivés par l'école. Mais il leur manque une base quelque part. Pour moi, je devais d'abord faire des études et puis acquérir une expérience chez les autres. Alors que beaucoup d'enfants ont eu un job de vacances chez leurs parents, moi j'allais chaque fois chez un pépiniériste ou un autre jardinier-paysagiste. Le métier s'apprend chez quelqu'un d'expérimenté. Ce qui a payé pour moi, mais il en va de moins en moins ainsi. D'accord, cela demande de la patience, mais on en récolte les fruits un jour. Et depuis, plus personne ne m'ignore sur les salons (rires) !”
Jean-Claude : “C'est moi qu'on ignore aujourd'hui. Les gens se demandent ce que ce vieux vient faire là (rires) !”
Biographie Jean-Claude Vinckier
- Formation : travailleur social /formation création et conception de jardin
- Plante ou arbre favori : Parrotia persica
- Espace vert favori en Belgique : Merksplas-Kolonie
- Espace vert favori à l'étranger : jardins de l'Alhambra à Grenade
- Son grand rêve : la route 66 à moto
- Livre conseillé : De dieren- en plantengids voor onderweg (Guide nature des animaux et plantes)
On manque de main-d'œuvre dans votre secteur. Comment voyez-vous la formation ?
Jean-Claude : “Nous avons beaucoup de contacts avec les écoles, et nous prenons régulièrement des stagiaires. C'est un fait, de moins en moins de jeunes choisissent l'école d'horticulture. Résultat, la qualité baisse. J'ai donné cours chez Syntra pendant 10 ans, et j'ai pu constater moi-même à quel point le niveau des nouveaux arrivants baissait d'année en année. C'est devenu si grave que j'ai préféré arrêter à un moment donné. C'était il y a six ans. Comment faut-il continuer, c'est difficile à dire. Tout est affaire de motivation. Moi-même, j'ai suivi un parcours atypique. Après le secondaire, j'ai entrepris une formation de travailleur social. J'ai exercé ce métier quelques années, et je me suis rendu compte qu'il n'était pas pour moi. Ce qui m'a toujours passionné, c'est la vie au grand air et l'architecture. J'étais alors en train de construire ma maison, et la création de mon propre jardin m'a permis d'expérimenter, c'était mon premier projet. Puis j'ai suivi deux ans de cours du soir chez Syntra, tout en réalisant quelques projets ici et là. Enfin, j'ai créé ma propre affaire, à laquelle j'ai donné le nom du lierre, très présent chez moi. C'était il y a exactement 30 ans.”
Jeroen, quelle est la force de ton père ?
Jeroen : “Sa passion, qu'il a partagée avec moi. Et j'ai beaucoup appris de lui en termes de formes. Lorsque je suis sorti de l'école, on partait surtout d'une grande terrasse comme base. Mais on peut tout aussi bien structurer avec du végétal, l'équilibre est important. Et mon père a toujours un bon conseil à donner. Sans mon diplôme d'architecte-paysagiste, je ne serais pas allé aussi loin. Et sans lui, je n'aurais pas fait cela. Je n'aurais naturellement pas pu non plus le rejoindre dans l'entreprise (rires) ! Mon bagage est plus étendu, surtout dans le domaine technique. Pour réaliser des projets totaux, comme nous le faisons, il faut être à l'aise dans tous les domaines. Maîtriser la fondation, la force portante, la gestion de l'eau… Aujourd'hui, on attend toujours plus d'un entrepreneur de jardin. Sans tout le savoir accumulé, y compris au niveau des produits et des matériaux, il est plus difficile de mener les projets à bonne fin. C'est ce que mon père a très bien senti. Nous suivons encore des formations, celle de coordinateur de sécurité par exemple, pour pouvoir mener nos chantiers en toute sécurité. Et nous sommes aussi au courant de la législation. Nous essayons même de prendre un peu d'avance, en allant regarder d'autres pays comme l'Allemagne, où ils en sont déjà beaucoup plus loin. Une entreprise doit être flexible, réactive sur les nouvelles techniques, positive et novatrice. Mon père a toujours tenu à cela, ce qui s'est révélé fructueux pour nous.”
Jean-Claude, quelle est la force de Jeroen ?
Jean-Claude : “Il est très fort techniquement. Et il a une très bonne relation avec les clients. Ils lui font confiance parce qu'il est tellement bien informé ! Jeroen et moi partageons en effet la même passion. Il se réveille avec et il va dormir dessus. Mieux, il cherche encore de nouvelles choses. Certes, il peut y avoir des heurts entre nous, rien ne bouge là où le vent ne souffle jamais ! Mais nous sommes une équipe soudée. Et c'est important.”
Biographie Jeroen Vinckier
- Formation : École d'Horticulture de Roulers et Architecture de Jardin à Gand
- Arbre ou plante favori : le baobab
- Espace vert favori en Belgique : le jardin aquatique d'Annevoie
- Espace vert favori à l'étranger : Isola bella (Italie)
- Son grand rêve : prendre la vie comme elle vient, c'est parfois déjà assez fou ! Vivre heureux et en bonne santé et voir mes filles grandir avec ma femme
- Livre conseillé : Ontwerpen met planten (Piet Oudolf)