Bilan SWOT du secteur des espaces verts de demain : le point de vue de Frederic Lietaer
Quel est, selon vous, le plus grand défi du secteur des espaces verts ? Et quelle est la meilleure façon d'y faire face ?
"À court terme, c'est l'inflation. Beaucoup de choses ont vu leur prix grimper l'année dernière, ce qui oblige les gens à remanier leur budget. L'entretien ou le réaménagement d'un jardin sont généralement des investissements qu’on reporte plus facilement. Cela déclenche une réaction en chaîne qui tend à ralentir le marché."
"La dynamique positive observée pendant la crise du coronavirus a incité de nombreux entrepreneurs de jardins à investir afin de pouvoir répondre à la forte demande. Mais le rendement de ces investissements se fait attendre à cause de l’évolution des conditions du marché. Les entrepreneurs de jardins vont en outre avoir plus de mal à remplir leurs carnets de commande, ce qui aura un effet négatif sur les prix, et donc sur la rentabilité. Heureusement, la nature ne se préoccupe pas de l'inflation et continue à se développer. Tôt ou tard, les dépenses reviendront donc."
Quelle technologie ou innovation représente pour vous une grande opportunité ? Pourquoi ?
"L'écologie et la neutralité carbone sont une responsabilité partagée. Le secteur du jardinage est directement touché par les effets du changement climatique. Nous devons prendre les devants à l’échelle du secteur et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les atténuer. C'est pourquoi nous devons passer à une technologie sans gaz d’échappement. Chez ELIET, nous misons donc pleinement sur l'électrification afin de créer une offre qui permette aux professionnels des espaces verts de participer à l’effort commun."
Quels sont les points sur lesquels votre entreprise se concentre actuellement ? Quels sont vos objectifs ?
"En premier lieu, l'électrification de nos machines. Cette année, ELIET a été la première marque à commercialiser un broyeur professionnel autotracté (sur roues ou sur chenilles) alimenté par batterie. Les entrepreneurs de jardins travaillant principalement dans des villes avec une politique zéro émission ressentent déjà le besoin de passer à l'électrique. Avec une autonomie moyenne de 2 heures, notre broyeur couvre largement leurs besoins pour le traitement des résidus d'élagage et de taille dans pratiquement tous les jardins en ville. Au printemps 2024, nous commercialiserons une gamme complète sur batterie, comprenant plusieurs scarificateurs, un coupe-bordures et un souffleur de feuilles. Pour cela, nous collaborons avec EGO. Comme les batteries EGO peuvent alimenter un large éventail de machines, la gamme e-power d'ELIET constitue un complément intéressant et économique pour les professionnels des espaces verts."
Selon vous, quelle sera la dynamique économique en 2024 ? (en termes d'inflation, de récession, de pouvoir d'achat, des activités dans le secteur des espaces verts)
"Une boule de cristal serait très pratique, car le temps qu'il fait au printemps et en été reste déterminant pour la dynamique de la saison de jardinage. Les indicateurs économiques n'annoncent déjà pas un ‘grand cru’ pour l’année qui vient. Après l’été dernier, les entrepreneurs de jardins constatent que leurs carnets de commande ne se remplissent plus aussi facilement. Ils doivent également consacrer plus d'énergie à justifier leurs devis et convaincre les clients. Les clients sont devenus plus sensibles aux prix, demandent plusieurs devis et mettent plus de temps à prendre une décision.”
"2024 est en outre est une année électorale, ce qui paralyse les conseils communaux. Une fois que les partis politiques passent en mode électoral, plus aucun grand projet n’est lancé lors de la législature en cours. Ce qui veut dire moins de contrats pour les entrepreneurs de jardins, en particulier durant le premier semestre de l’année. En 2024, le secteur des espaces verts devra se concentrer sur la qualité et le suivi des clients existants. Cela portera ses fruits lorsque la conjoncture se rétablira en 2025 et que le marché reprendra."
En 1 à 3 mots, que représentent pour vous les notions suivantes ?
Jardin climatique : "la nouvelle norme"
Vie en plein air: "gagne en importance"
IA : "intérêt à prouver"
Gestion de l'eau: "absolument essentielle"
Voyage dans l'espace : "passe-temps de riches"
Pour terminer : à quoi ressembleront nos jardins en 2100 ?
"Cela dépendra beaucoup de la réalisation ou non des objectifs climatiques et de la mesure dans laquelle nous parviendrons à ralentir le réchauffement de la planète. Cela déterminera la végétation qui pourra être préservée. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu que les jardins de 2100 seront encore plus influencés par la technologie et la science. Certaines plantes auront régressé, d'autres auront été sélectionnées et améliorées pour s'adapter aux conditions. Les effets climatiques seront compensés par des systèmes d'irrigation omniprésents."
"Par ailleurs, une grande partie de l'entretien des jardins sera automatisée et robotisée, de sorte que le propriétaire du jardin pourra laisser l'entretien à des machines autonomes, guidées par l’intelligence artificielle. Il est à espérer que nous parviendrons à préserver notre biodiversité, et que la pollinisation puisse encore se faire naturellement et sans intervention humaine
"Si les conditions climatiques continuent à se dégrader et que les sécheresses et les températures élevées ne permettent plus d'entretenir les jardins tels que nous les connaissons aujourd'hui, je pense que les jardins d'ornement évolueront vers l’intérieur, avec des serres. Ces serres deviendront une extension de la maison ou du complexe résidentiel. On pourra y créer, dans des conditions contrôlées, un jardin qui sera comparable aux jardins botaniques que l'on voit aujourd'hui dans les serres royales. Le coût d'une telle installation fera du jardin un luxe qui ne sera plus à la portée de tous.”